Oh my god, Charlie Darwin.

30/01/2010 (16:54)

http://forever-ago.cowblog.fr/images/Ruedelajoie.jpgElise,

Sur la table du salon, il y a des cadavres de bouteilles et des verres vides. On est un amoncellement de corps sur le sol, dans des duvets sur des matelas récupérés à droite et à gauches. Je n'ai pas fermé les volets par flemme, et le soleil se lève, me réveille à frapper comme ça mon visage. J'aimerais bouger, je ne peux pas. La tête lourde, et puis, je  regarde la poussière qui s'agite dans un rayon, et puis il y a un bras qui ceigne mon torse. Je respire dans une touffe de cheveux blonds.

Les journées ont repris leurs danses, et mon regard scrute chaque matin dans le bus la mer qui s'étire infini ; vers d'autres bornes. Les limites sont ces vitres crades qui vibrent lorsque le bus s'arrête. Les transports sont communs, et l'originalité censé être tapie dans la nouvelle collection H&M. Sans dire "à se pendre"  tu admettras que le neuf à un goût de déjà-vu ici. Les traditions, la fierté culturelle, j'en passe : c'est début octobre, j'ai ressortit le cuir et les levi's. Mes stan smith on pris un coup de vieux maman veut que j'en achète d'autre, papa bosse beaucoup trop ces derniers jours. L'originalité c'est la nouvelle collection H&M : définitivement.
J'ai reçu ta lettre un matin que je trainais au lit, puis que je suis partit trainer au parc Borély, au lieu d'aller en cours. Il y avait des jogger matinaux, et puis des vieilles qui prenaient l'air. J'ai ouvert la lettre sans que mes mains tremblent, parce que je savais bien ce qu'il pourrait y avoir là dedans. Enfin, j'ai bien fini par trembler, à la fin. Ne reviens pas si vite ; le temps que tu passes à l'autre bout du monde, c'est ton temps.

Les premières pluies sont passées, je les boude un peu. mais quand même, Louise est un compagnon sûr en ce qui concerne la danse sous la flotte. Je n'ai jamais envie de la réveiller, et puis le soleil tu sais et la poussière. Dehors, il y a le mistral, le mimosa du jardin est balancé par les bourrasques : j'aime, ça me berce alors que tout le monde dort encore.

Louise est jolie, et douce, elle est blonde. Je l'aime bien, je l'aime même plutôt pas mal. Tu l'aimerais je pense, tu la verras peut-être. On va souvent se balader au J4, regarder les vagues sans cesse, ça nous repose. On est je crois aussi fatigué l'un que l'autre. Comment va San Francisco ? Est ce que c'est vrai, qu'il y a le brouillard qui noie les ponts, et dis, c'est vrai tout ce qu'on y rencontre ? Tout paraît faux ici, sauf les jours de rire. Ils sont de plus en plus nombreux, je crois que je recolle avec la réalité, un peu.

Le cendrier est plein ; la coupe aussi. Je déborde de tous côtés, je crois que j'attends. J'ai coupé mes cheveux : I'm not a long hair child anymore. Il est presque impossible de te parler en anglais, je ne sais pas comment font les gens là bas, à l'autre bout du monde. Les mots ne viennent pas.

Take care darling,

Je t'aime.

 
Arthur

Demande à la poussière.

28/01/2010 (22:32)

http://forever-ago.cowblog.fr/images/cheminees.jpgArthur,

Ta lettre est arrivée un matin. Je n'y ai pas vraiment cru en voyant ton écriture. Tu es le seul à m'avoir écrit une lettre. Je sais même pas comment tu as trouvé mon adresse. Tu m'étonneras toujours petit frère.
Le soleil frappe, c'est un été perpétuel dans un désert qui ne finit que pour ressurgir dans les constructions élevées. Je suis arrivée en Californie, j'ai traversé le Mojave. Tu aurais dû être là. Je te voyais, je te sentais tout près, incroyablement près. Ton émerveillement me manque. Ici tout est infini, il ne manque que toi dans le paysage pour que tout ceci est un sens. Je ne parle pas vraiment de mascarade. Mais je sens l'ombre au tableau, la fausse note qui n'est pas vraiment perceptible mais qui ruine la mélodie.

Je crois que c'était une connerie, de t'avoir dit au dernier moment que je partais, de pas vouloir que tu sois à l'aéroport pour mon départ.

C'est trop tard. L'été finira le jour de mon départ, je le sens un peu. j'ai mis tant de temps à prendre mon courage à deux mains, à prendre du papier et puis, j'ai tant reculé. Ce n'était pas juste. A Marseille, la vie a du reprendre son cours, la rentrée, toutes ces choses. Peut-être qu'il pleut comme on aimait qu'il pleuve. J'espère que tu as trouvé quelqu'un pour aller sous la pluie. Ne me dis pas que tu es tout seul.
Je suis partie, j'en avais besoin. C'était égoïste. J'espère que tu n'abuses pas sur la boisson, que tu as retrouvé le sourire, ou au moins son ombre. Je ne parle que d'ombre. je suis hantée sur cette terre sans croyance. L'argent défile dans les rues, c'est incompréhensible. Ici, il existe des take away même pour la vie. Même s'ils sont cachés je sais qu'ils sont là quelque part. Promis, je t'achèterais un souvenir ou deux. Je sais que tout ceci est ridicule.

Chacun sa marche, les géants ont les pieds usés, et les colts sont vides. Il y a le soleil qui frappe et par la fenêtre ouverte il n'y a pas de vent. Sur la plage des surfeurs ont le corps huilé. Je me suis trouvée un petit ami. Il ne comprend pas pourquoi je lui ai demandé qu'aujourd'hui, je voulais être seule. Dans les fêtes organisaient à droite ou a gauche dans lesquelles je m'incruste j'en reviens pas vraiment. il est blond. Et puis j'ai lu ce livre que tu m'avais tant conseillé, Less than zero. J'en ai des frissons. Quand je suis fatiguée, je ferme les yeux, et alors, il y a le bruit étrange des cigales qui sifflent dans ma tête, j'ai besoin de repos dans cette agitation qui n'a aucune mesure réelle, aucune limite, et qui insulte les bornes palpables. Dans le pays de la nouvelle frontière, on aimerait repousser la terre, qu'elle prennent le pas sur l'océan. Puis finalement on plonge dans l'eau fraiche, et le jour se termine sur un couché de soleil sans amoureux.

Quand j'en ai marre de toutes ces voix étrangères, je ferme la porte et écoute Oxmo Puccino. Putain, la vieille d'à côté est morte. Promis, bientôt je rentre.

Je t'aime.
 
Elise.

Point d'équilibre.

23/01/2010 (0:02)

8 Août
Elise,

La vieille d'à côté est morte. Je suis pas sûr que sa famille ait acheté un cercueil — Tu crois qu'ils l'ont brûlée ? Ils ont tout mis dans des boîtes en cartons, tout expédié quelque part ; dans une déchetterie sans doute. J'y ai pas cru sur le coup. paraît qu'elle était malade, mais quand même, enfin, tu sais comme c'est, on l'a toujours connue, même si elle était chiante, qu'elle nous espionnait, elle faisait partit du décor.
La rue est vide depuis. L'été est épuisant, une chaleur à s'en frapper la tête contre les murs. Je dors presque autant qu'un chat et les douches glaciales ne font rien. La vieille d'à côté est morte, rien ne se passe. La seule animation c'est le mistral, impossible d'aller à la mer. Puis si c'est pour voir tous ces gens qui brûlent au soleil, non merci. Tout le monde s'est barré ailleurs, moi je reste, il n'y a rien à faire. L'autre jour, j'étais déjà en nage pour aller juste jusqu'au bus. La clim était en panne, tu t'en doutes bien, le 35 n'a jamais été luxueux, ce n'est pas ton absence qui le rendra plus accueillant. C'était bondé de gens en maillots à fleurs roses avec casquette, tongs, serviettes, parasol, la totale (un peu ridicule si tu veux mon avis). Moi j'avais chaud, j'étais moite, j'en pouvais plus.
Je suis du regard le mouvement du ventilateur au plafond, torse nu, étendu sur le lit. j'attends que la nuit arrive, la nuit j'attends le jour — J'alterne les jours avec et sans sommeil. Le temps me semble plus long que d'habitude. Il n'y a plus personne à Marseille, c'est une ville fantôme avec des croisiéristes parlant italien la plupart du temps. Le genre à te bousculer dans le bus, dans les magasins. Tout le monde s'est barré sauf moi. Personne ne traine au Cours Ju, même les Punks semblent en vacance. La rue St Fé s'est débattue un temps avec les soldes, puis plus rien, juste le soleil et aucune ombre, et les relents d'air conditionnée si on rase bien les murs. Il n'y a personne pour sortir ou presque. Je suis allé boire un coup sur le port avec un ami, mais lui n'était pas dans une grande joie. La rengaine habituelle, sa copine s'est barrée, avec un gars qui est con — pourquoi ? question apparemment sans intérêt : il est con c'est tout —, ça a tourné court, et le lendemain il décollait direction l'Irlande.
J'ai l'impression d'être la femme qui attend en bout de quai, celle qui attend le mari en mer. C'est complétement saugrenu. La vieille d'à côté est morte, putain. J'ai 18 ans, et je suis collé là, à tourner entre trois pièces, sans amis parce que je suis trop caractériel, et que ceux qui s'accrochent vaille que vaille sont à l'autre bout d'un monde qui pourtant est étroit. Peut-être que si je tends la main... Mais, tous les deux on sait : je ne tendrai rien du tout ; je vais rester là, à attendre que quelque chose se passe. Je compte, cela fait 3 mois et 17 jours que t'es partie. Tu me manques.
La vieille d'à côté est morte, j'ai pris une cuite au rhum cette nuit, seul avec mon cafard, j'ai mal à la tête et je somnole avec un ventilateur qui fait le bruit d'un réacteur au dessus de ma tête.

Je t'aime,

//

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | Page suivante >>

Créer un podcast