Point d'équilibre.

23/01/2010 (0:02)

8 Août
Elise,

La vieille d'à côté est morte. Je suis pas sûr que sa famille ait acheté un cercueil — Tu crois qu'ils l'ont brûlée ? Ils ont tout mis dans des boîtes en cartons, tout expédié quelque part ; dans une déchetterie sans doute. J'y ai pas cru sur le coup. paraît qu'elle était malade, mais quand même, enfin, tu sais comme c'est, on l'a toujours connue, même si elle était chiante, qu'elle nous espionnait, elle faisait partit du décor.
La rue est vide depuis. L'été est épuisant, une chaleur à s'en frapper la tête contre les murs. Je dors presque autant qu'un chat et les douches glaciales ne font rien. La vieille d'à côté est morte, rien ne se passe. La seule animation c'est le mistral, impossible d'aller à la mer. Puis si c'est pour voir tous ces gens qui brûlent au soleil, non merci. Tout le monde s'est barré ailleurs, moi je reste, il n'y a rien à faire. L'autre jour, j'étais déjà en nage pour aller juste jusqu'au bus. La clim était en panne, tu t'en doutes bien, le 35 n'a jamais été luxueux, ce n'est pas ton absence qui le rendra plus accueillant. C'était bondé de gens en maillots à fleurs roses avec casquette, tongs, serviettes, parasol, la totale (un peu ridicule si tu veux mon avis). Moi j'avais chaud, j'étais moite, j'en pouvais plus.
Je suis du regard le mouvement du ventilateur au plafond, torse nu, étendu sur le lit. j'attends que la nuit arrive, la nuit j'attends le jour — J'alterne les jours avec et sans sommeil. Le temps me semble plus long que d'habitude. Il n'y a plus personne à Marseille, c'est une ville fantôme avec des croisiéristes parlant italien la plupart du temps. Le genre à te bousculer dans le bus, dans les magasins. Tout le monde s'est barré sauf moi. Personne ne traine au Cours Ju, même les Punks semblent en vacance. La rue St Fé s'est débattue un temps avec les soldes, puis plus rien, juste le soleil et aucune ombre, et les relents d'air conditionnée si on rase bien les murs. Il n'y a personne pour sortir ou presque. Je suis allé boire un coup sur le port avec un ami, mais lui n'était pas dans une grande joie. La rengaine habituelle, sa copine s'est barrée, avec un gars qui est con — pourquoi ? question apparemment sans intérêt : il est con c'est tout —, ça a tourné court, et le lendemain il décollait direction l'Irlande.
J'ai l'impression d'être la femme qui attend en bout de quai, celle qui attend le mari en mer. C'est complétement saugrenu. La vieille d'à côté est morte, putain. J'ai 18 ans, et je suis collé là, à tourner entre trois pièces, sans amis parce que je suis trop caractériel, et que ceux qui s'accrochent vaille que vaille sont à l'autre bout d'un monde qui pourtant est étroit. Peut-être que si je tends la main... Mais, tous les deux on sait : je ne tendrai rien du tout ; je vais rester là, à attendre que quelque chose se passe. Je compte, cela fait 3 mois et 17 jours que t'es partie. Tu me manques.
La vieille d'à côté est morte, j'ai pris une cuite au rhum cette nuit, seul avec mon cafard, j'ai mal à la tête et je somnole avec un ventilateur qui fait le bruit d'un réacteur au dessus de ma tête.

Je t'aime,

//

Laisser trainer de la poussière

Words (between the lines of age)

Par imparfaiite le 25/01/2010 (21:29)
J'aime beaucoup cette lettre, le principe de ton blog en général. Je trouve cela passionnant.
Par Code Reduction Uber le 5/09/2015 (18:51)
Avez vous un lien pour que je puisse télécharger l'article en PDF ?
Par urgence serrurier paris 15 le 7/09/2015 (9:17)
Excellent article je vous soutient .
 

Words (between the lines of age)









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