Elise.
J'ai couché avec Elodie. Et puis, je crois que j'en ai rien à faire. Elle m'a dit : "tu veux qu'on se mette ensemble ?" c'était le lendemain, j'avais la tête comme un tambour, et moi j'ai dit "ouais" bien sûr que j'ai dit ouais. Elodie, y a un peu tout le monde qui veut être avec. Elle est cool, c'est vrai. Je crois que ça fait un moment qu'elle me tourne autour, je remarque jamais ce genre de chose, tu le sais bien. Paraît que c'était évident comme le nez au milieu de la figure.
J'ai couché avec Elodie, et en rentrant, j'ai pleuré, sans m'arrêter, sans respirer ou presque. j'avais trop de larme du crâne au larynx, que de l'eau.
Dans trois jours c'est ton anniversaire, tes 23 ans. Tu vas faire quoi ? Je t'imagine, paradant dans broadway, tes 22 ans dans une main, tes 23 dans l'autre. Je sais même pas à quoi ressemble broadway. Je me suis rendu compte que je ne savais rien de ce qui me fait tant rêver. Je me suis rendu compte que, tout ce à quoi je tiens, ça rentre dans une grande valise. Elodie me trouve rêveur, deux jours que je ne l'ai pas vu et je réponds à ses textos par automatisme. La pluie tombe, elle ne tombe plus. Le ciel est rayonnant, et je sais que ça y est c'est le printemps. J'ai envie de tout foutre en lair. Toute la journée, j'ai fait en long et en large les plages du prado. j'étais même pas fatigué. J'ai remonté la corniche, et le vieux port. A la joliette je suis monté dans le bus. Ca allait mieux, je ne crois pas.
Tu crois que la rage est un moteur suffisant ? Je n'ai jamais su. Je nous compare, et parfois j'ai l'impression qu'on a une maladie que l'on comprend pas, l'envie d'ailleurs. Marseille n'est plus une ville, c'est un ensemble de zones géographiques que je relie par des marches interminables. Des zones géographiques que je repère dans les souvenirs vagues des cuites que je me suis pris.
L'autre soir, je ne sais plus quel soir. Je dormais chez Paul et Emilie (tu sais, ils sont jumeaux). Il y avait Emilie qui jouait du piano, et on était là à dire n'importe quoi, et ça allait pour de bon — je n'avais pas encore couché avec Elodie — et je me suis demandé combien de temps ça faisait que je n'avais plus sentit ça, cette simplicité de vivre un quotidien qui n'a pas besoin d'extravagance. Elle jouait un morceau de Biolay, et je l'aime pas beaucoup ce gars, mais il y avait Paul qui chantait par dessus — Tout ça me tourmente, tout ça me tourmente un peu — il y avait quelque chose, et pourquoi la vie ne se résume pas à cela ? J'aimerais ériger l'immobilisme sur le canapé comme une religion, une connerie du genre. Ce serait simple, enfin. Je croyais que ça allait mieux, et c'est comme si cette soirée c'était l'apogée. Bloqué dans ce putain de cycle, ce rythme, cette ambiance presque studieuse presque tendue, pleine de remord et de phrases qui ne servent à rien. il faut que je choisisse mon avenir, et sur les papiers d'orientation j'aimerais dire : "formation voyageur". Mais rien ne se passe, rien ne se fait, j'écris des trucs ridicules, change d'avis chaque jour. Les notes de piano d'Emilie, c'était un peu comme des goûtes de pluie sur le visage, quand on regarde vers le ciel. Ca fait se plisser les yeux. J'ai couché avec Elodie, et j'ai gueulé comme un con ensuite, dans la rue. J'ai gueulé ce que j'avais en plus dans le ventre. J'ai l'impression d'imploser. Et dans deux mois, trois, quatre, je serais un adulte.
Anyway, c'est ma troisième clope, mon portable a sonné quatre fois — Elodie, Elodie, répondeur, Paul — j'crois que je dois me préparer, aller quelque part. Je t'aime, je t'aime. T'es la seule que j'aime. Toutes les nuits je dors dans ton lit. il n'y a que là que je peux dormir.
Arthur.