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Matt /

T'avais écrit "Farewell Mylady" sur l'enveloppe, mais j'y croyais pas vraiment. T'avais cacheté ça, de salive un peu sur la colle qui ne colle pas vraiment des enveloppes. Tu n'avais pas fait l'affront de la timbrer, ni d'utiliser une pré-timbré car tu disais que c'était plus pratique, les enveloppes pré-timbrées.
Je crois que j'ai veillé tant que j'ai pu et que tu as eu raison de moi. T'es partit — je ne t'ai pas entendu. Je savais sans lire ta lettre, mais je l'ai lue quand même. J'ai eu un pli amer, sur le coin de la bouche. La première fois. La deuxième, j'ai essayé que les choses coulent.
Je crois que j'ai pleuré beaucoup, avec l'espoir que tu reviennes, que tu déchires ce papier et que tu dises que c'est de la connerie, simple.
J'ai eu des nouvelles de toi, grâce à Emilie. Elle m'a dit que t'allais pas bien. C'était le mois dernier. Je me disais "bien fait", mais le coeur n'y était pas.
L'appart' est grand quand on y est tout seul, et les murs sont les témoins accablant d'un passé imparfait devenu simple. J'ai pas voulu changer. Pas avant que tu reviennes.
Maintenant, ça fait trois mois que t'es parti. Trois mois et un peu plus. Mais bon, trois mois pour faire simple. Les vacances se sont terminées pour moi, sans fanfare. A peine une semaine sur la côte, en Normandie, chez mes parents. Ils m'ont dit que j'avais mauvaise mine. A coup sur que le ciel était moins radieux que le tiens. T'as dû rentrer dans ton espace vide. Dans ta zone de non-vie. J'aimerais savoir comment tu te sens. Je sais que ça va sans aller ; du moins j'imagine. Trois heures pour revenir de chez toi — rentrer dans un chez toi sans nature, sans aspérités sur les murs. Tu sais très bien que je veux te revoir. Te sentir près, parce que ton odeur est la seule qui me convienne.
Je t'imagine écrire sans trop savoir quoi dire pour combler tes jours, sortir la nuit un peu avec quelques amis. Ecouter sans cesse les mêmes disques. T'as du avoir ta période Joy Division, et ce n'est pas forcément mauvais signe : juste après tu t'essaieras à la couleur.
Je me demande si. 
Un verre, au Café Noir. A 18h, ou 19h ou plus tard. Un vendredi.
Vendredi.
Emma ;

Ici ; ailleurs.

28/02/2010 (10:28)

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Emma,

Le soleil s'est couché, sur une journée brulante. Les cigales ne chantent plus, une fois la plage, les repas sur la terrasse — la salade de tomate — la sieste, et les rires sur la partie de carte. Le repas de famille alors que le jour se fini, c'est pour des moments ainsi que je vie, que je continue à vivre. Je suis sur la terrasse, et la table a été débarrassée. Je fume, et dans l'air lourd du soir, toutes les odeurs me viennent au visage. le vent un peu frais ne me fait pas frissonner, mais apaise ma peau brulante.
Ce serait mentir que de dire que je ne voudrais pas que tu sois là. Oui. Parce qu'en fin de compte, trois mois plus tard, tu me colles toujours à la peau. Mon appartement est un peu une chambre qui se replie sur elle-même. Je ne l'habite pas, je la hante. Il y manque l'étincelle. Je ne peux plus Paris. Je ne peux plus cette ville. Alors le temps d'un temps, quelques jours, je suis redescendu : pour goûter le sud. Goûter Marseille, ce goût familier, cette madeleine à la Proust. Ce lieu sorti d'un nulle part qui s'agite et s'anime dans un cœur orphelin : le mien.
J'ai arpenté les rues. J'ai pris le temps. Cela faisait tellement longtemps, je passais toujours en coup de vents. J'ai réappris à rien branler sur le cours Ju, un demi en face, et un ami à qui parler juste derrière. Le bon vieux temps qui semble un peu venteux. J'ai ressortit dans ma chambre les photos que j'avais pris durant mon adolescence. Tous ces souvenirs qui se figent, ne tentent pas de dépasser leur cadre mais qui transcende une vie. J'ai retrouvé mon vieil appareil photo. Je regrette tant de l'avoir laissé là. J'aurais aimé voir comment tu ressortais sur format 10*15. Tu dois être en réduit. Oui, ce n'est rien. Je suis partit, je n'ai pas voulu rester.

Une semaine ici, à dormir sur le lit de mon adolescence. Le lit de ma première fois, c'est si étrange. Ces draps qui ont changé. Mais les murs qui sont les mêmes. Et les rires les larmes qui restent là, figés dans l'espace. Et tous ces Moleskines dont je ne me suis pas encombré, que j'ai laissé là. Je n'ai pas encore eu la force de les ouvrir. Je regarde mes photos accrochées au mur, je commence à réfléchir sur ma vie, et rien ne vient. Je ne sais pas quoi penser. Je me mets à mon bureau, et regarde mes vieux cours. Je me souviens quand j'ai dit : "Maman, je suis muté à Paris". Et elle a souri, parce que Paris, elle aime. Mais avec son coeur de Marseillaise. Tu sais, elle aime sans pouvoir y rester. Moi j'ai le même. Mais il fallait que je reste.
Je ne cherche pas d'excuses. Mais comprendre. Pourquoi. Pourquoi partir quand tout va bien. J'avais besoin de soleil. Et je crois que je ne me suis pas rendu compte que le soleil c'est toi.
Se traiter de con, ça ne sert à rien. "T'es célibataire ?" C'est une demande ridicule, c'est ma cousine. Et elle a le sourire indulgent. Elle sait que je suis compliqué, elle sait qu'en fait je ne le suis pas tant que ça et que c'est une situation ridicule.

Une semaine de Marseille. Je vais demander ma mutation ici. Retourner à la base. Tant pis pour les concerts, les expos et les promenades sur les quais de Seine. Ici, il y a une alchimie de rien du tout. Faîte de simplicité. De parler étrange, de mots que l'on entend que dans le cœur battant de cette cité, la plus vieille de France. De rires qui ne semblent pas guindés, de métros oranges et non gris. De rues que je connais sur le bout de mes doigts qui courent, courent sur des artères saignantes.

Encore un an à tenir, à l'autre bout du monde. Mais avec sans doute plus d'aller-retours. Je rentre, dans une semaine, et demi. Dis, tu veux bien que l'on se revoit. Je suis con. J'ai besoin de toi. Je...

 
M.
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Emma,

J'ai laissé mon trousseau de clefs, comme tu peux le voir. Et mes affaires ne sont plus dans l'armoire, non, plus dans aucune armoire. J'ai laissé deux trois bouquins, parce que je sais que tu veux les lire, et puis, je m'en fiche : je ne t'en veux pas, il n'y a aucune raison de te faire la gueule, te refuser des choses qu'hier encore je t'accordais.
Il est tard, tu es partie te coucher, et moi je ne dors pas ; encore habillé, tu vois, avec mes chaussures. J'ai toujours aimé trainer habillé chez moi, ma mère ça l'a faisait rire quand à minuit passé j'avais encore mes chaussures : "tu pars ? — ouais, je vais brûler des voitures, j'attends que vous soyez couchés".
Dans ma tête, il y a cet air de musique que j'ai trouvé tout à l'heure, et que t'as dit : "ça le fait".
Tu sais très bien que ce matin, il n'y aura qu'une lettre à ma place. Cela se sent dans ton regard quand tu vas te coucher, et que tu me dis bonne nuit et que je ne réponds rien. Il est 4 heures du matin.

J'ai beaucoup trop fumé, les volutes ont emprisonnées mes pensées. J'aimerais te dire, je ne dis rien. Je veux rayer mon nom, ici, là, ne plus exister pour toi. Je sais que je ne peux pas, que cela ne se fait pas. Mais je te l'avais dit que je ne sais pas me figer, qu'un jour je m'envole : c'est comme ça. Ce n'est pas ta faute. J'ai rarement aimé comme ça, comme toi. Je veux que tu saches, que tout était sincère.
Je sais que là, tu as les yeux ouverts alors que j'écris, que tu guettes sans bouger dans le lit, sur le côté. Tu retiens ton souffle, et les larmes coulent sans qu'on puisse y faire grand chose. Tu étais douce.

"Si tu lis cette lettre c'est que je suis pas loin de la prochaine. Elle aura son charme, mais, ça ne vaudra pas tes fossettes."

J'aimerais trouver autre chose à dire, mais je crois que ma gorge aussi, ce soir se noue. Nous.

for — ever.
 

M.
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Lizzie,

Sans soif, je me suis arrêté là, au bord de la route. La ligne : arrêt d'urgence. Tu sais, Elodie me filmais en train de conduire, avec le soleil le vent les cheveux. C'était tellement cliché, ça m'a coupé le souffle. Je crois que ton vol est pour bientôtJe laisserais la lettre sur ton lit, je ne serais pas là. je serais loin, très loin. Un jour ou deux.

Je suis désolé, pour cette lettre à la con, écrite à 5h du mat, à la fin d'une soirée qui ne m'a rien apporté. Je t'aime, tu le sais. Tu me manques.

Il y a Elodie qui roule, et Oasis dans le poste. Tu peux pas savoir comme on chante faux, avec le sourire. Moi je n'écris pas droit. Je n'en ai pas envie. J'ai envie de voir tes yeux, et comprendre les "New York, New York" qu'on peut chanter à tue-tête. Je veux savoir si tu vas repartir, filer à l'anglaise encore une fois, pour un pays qui donne des ailes. tu t'es perdue, un peu plus d'un an, et tu reviens, tu es l'enfant prodige. J'aimerais savoir si tu as trouvé ton chemin.

I think we're superstars.

Arthur !
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Arthur ;

J'écoute la pluie tomber.
Il y a un vinyle qui tourne sur la platine. Trois jours que je ne sors pas, et la plupart du temps avec mon casque sur les oreilles je divague. Je fume des joins, je fais semblant de rien, puis tout devient calme. A trainer dans une robe d'été, la pluie à regarder dehors. Ca en fait des occupations. J'écoute Kings Of Convenience. J'aimerais être ailleurs, près de toi, juste près de toi. J'aimerais t'expliquer, mais tu n'es pas là à côté à écouter.  Je laisse les larmes couler, ma robe d'été est froissée. Je n'ai plus un sou, je finis de rêver les poches vides. Je ne pars pas à Tokyo, John avait une copine déjà. Je suis bloqué ici, un peu, dans ce froid loin de toi. J'aimerais te dire que tu me manques, je sais que tu ne me croiras pas. C'est vrai pourtant. La pluie tombe, on ne peut la retenir.
Ce n'est plus des pages que je devrais t'écrire, mais des livres. il n'y a aucune excuse qui en vaudrait la peine. Anyway, j'ai cru, je ne fais que croire : cela ne me réussi pas. L'horloge sur le mur en face de mon lit s'est arrêtée. Il n'y a plus de tic tac, plus de rythme. Quelque part, il y a des joies omniprésentes, quelque part je ne trouve plus la foi en rien.
Je crois qu'on est désarmé, il faut s'y faire. Tu dis que tu ne me connais plus, mais avant que je parte tu me connaissais par cœur — tu n'as pas compris. A quoi bon se connaître ? Je ne ressens pas de vibrations le long de ma peau quand la musique démarre c'est n'importe quoi.
Dans la glace il n'y a plus rien, j'aimerais faire parti de ce monde de reflet.

Je rentre, fin septembre.

Lizzie

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