7 o'clock.

9/11/2010 (20:50)

Je suis allé au bout du quai, et vu qu'aucune réponse ne venait, je me suis assis là. L'air soucieux, surtout, pour que l'on me dérange pas. Je me suis assis, les pieds dans le vide, à quelques centimètres de l'eau. J'attendais la vague qui viendrait me prendre dans ses bras pour m'emmener loin. Je suis resté des heures sur cette digue de bois, à tourner dans ma tête mes 20 ans. Comme si j'attendais une réponse, comme si il y avait une réponse à fournir. Je repensais à ton sourire, sa couleur au coin du feu. J'ai allumé une cigarette, une autre. Et quand j'ai eu la gorge brûlante, j'ai su, qu'il n'y avait pas de réponses, qu'il n'y avait peut-être même pas de questions. Alors, j'ai fait demi-tour, je suis rentré dans le pub du village, j'ai commandé une guinness, et j'ai regardé mon reflet dans les perles de condensation, et le noir du liquide. Le barmaid m'a demandé comment ça allait avec son sale accent, ses mots gaéliques, et son air de sincérité. J'ai juste souri. Et j'ai pris du papier. Maintenant j'ai fini ma bière. Sans le faire exprès, j'ai posé mon verre sur le papier, désolé pour la tâche ronde.
C'est un papier bien moche pour te dire ce genre de chose. C'est une manière très abrupte de tourner les phrases. Et dans l'eau salée, l'eau gelée, il y avait ton reflet. J'aurais voulu me baigner.
I still need you.
I love you.
 
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Lucie,

Samedi, on ira voir la mer. Elle sentira tellement bon le sel que cela sera comme du sucre quand on boira de l’eau douce ensuite. J’ai la bouche pâteuse à l’idée de ces goûts d’enfance. Hier, je me suis souvenu de l’odeur du figuier chez mon grand-père. Tout se disloque, des voiles se gonflent au loin – le vent et tous ces gens décidés à l’affronter. J’ai trop de respect, à moins que ce ne soit de peur, pour oser le défier, mais j’aimerais qu’il me pousse vers plus loin un de ces quatre. Je suis à la recherche d’un horizon moins coloré peut-être mais tout aussi agréable dans lequel on pourra se retrouver…
Il gèle, au sens propre ici. Ce matin, la ville était bleue, et c’était beau, plus que le gris ambiant du reste de la journée. J'ai trainé sans but, puis je me suis arrêté dans un café. je ne sais plus quel jour nous sommes, j'ai arrêté le décompte, je perdais mon temps. je bois du thé, dehors, il y a des gosses qui jouent à la marelle sur le trottoir. Et dans le bar, il y a un gars qui joue de la guitare. Derrière, une fille fait les percussions pour l'accompagner. Sa soeur, peut-être. Elle me fait penser à toi.

Depuis que j’ai jeté mes affaires en vrac dans mon 15m², J’écoute la musique et ça me fait du bien. Je repnse à ces deux gosses dans le café, à ceux qui jouaient à la marelle. J'aimerais trouver quelque chose à faire, je traîne. Je me suis allongé un long moment après une douche chaude.

J’ai écouté les Beatles me dire que tout allait mieux, que je pouvais être défoncé grâce à mes amis. Je crois que je me suis assoupi, je crois que je cherche un peu à oublier, mais que la vie ça ne s’oublie pas. La pluie est devenue forte sur les carreaux de ma fenêtre, et c’était comme une autre musique. J’ai regardé les gens qui couraient dehors ; collé à la vitre, j’ai fait de la buée et j’y ai écrit « Exil ! ». A l’heure qu’il est, 23 heures, que fais-tu ? Tes lettres jonchent mon sol, et j’essaye de ne jamais les écraser, c’est un petit jeu d’équilibriste dans lequel j’excelle. J’ai épinglé tes photos sur le mur au dessus de mon lit, ça rend plutôt bien.

La fatigue me porte tout le temps, je ne dors jamais. Je crois que je suis vide, vide c’est un moche mot.

Je n’écris pas très bien ce soir. On dirait que je suis triste, alors que je ne sais pas ce que je suis. Les mots sortent parce que je les expulse, je suis mort, j’éructe ; mais je crois que c’est à cause de la fatigue et rien d’autre. Je me regarde dans la glace parfois, et j’essaye de m’imaginer en étudiant inquiet, le genre qu’on dirait que leur tête elle va exploser tellement ils s’agitent en partiel. Ca me fait rire et ça fait du bien. Mes amis à la fac me trouvent un peu bizarre. Je crois qu’ils m’aiment bien pour ça. Moi aussi je les aime bien, mais y a des choses que je ne peux pas leur dire. C’est comme ça. Il y a des mots pour des personnes, et d’autres pour d’autres.
J’ai la gorge encombrée de trop de sons, et quand ils sortent ça ne ressemble à rien comme si j’étais dyslexique de la pensée. Je fais des comparaisons sur tout donc sur n’importe quoi. En faisant les courses, j’ai découvert le principe du sachet fraicheur. C’est ridicule. Je veux dire que moi le Napolitain, il n’a pas besoin de rester frais, je le mange en 10 minutes. Et puis, tout ce plastique. Je voyais une vieille qui hésitait entre deux pâtées pour chat, et je me suis dit qu’elle devait être belle y a pas si longtemps et que les seuls à avoir besoin de sachet fraicheur, c’est bien nous. Qui ça gène que les gâteaux rancissent trop vite ? C’est comme ça depuis la nuit des temps. Mais cette pauvre dame qui est tellement dévouée pour un chat qui dort les trois quarts de la journée, ne mérite-t-elle pas un peu de rêve longue durée ?

J’aimerais calmer le rythme de toutes ces lettres qui m’habitent et me dictent. Je suis un peu perdu ici loin de tout. J’ai passé une journée avec l’impression d’en vivre tout un tas. La seule embrouille c’est que tu n’étais pas là, et que tu me manques encore plus toi dans ton impulsion Londonienne. Le cœur dans une main, le cœur dans l’autre, je jongle et je fais des jeux d’équilibriste. Je suis un funambule avec le vertige, je me compose en m’interprétant.

Je me fatigue à extrapoler sur des ensembles de mots déjà fait comme des plats surgelés. J’aimerais avoir de la gentillesse à étaler comme de la confiture pour les autres aussi. Les gens se la jouent, alors je me joue des gens. Mais je crois que je ne les comprends pas à vouloir mourir avant d’avoir vécu, d’avoir trop bu. La pluie s’est arrêtée, il ne reste que les gouttelettes accrochées aux carreaux de la fenêtre. Dans ma tête des lumières clignotent : la vie et ses péchés sans doute, mais aussi l’été, ses pastèques et ses pèches.
On ira voir la mer samedi. Encore faut-il que tu sois là.

With love,
— 03h28
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Le sourire forcé, figée la photo. En quelques sortes c’était le témoignage sexy d’une rencontre qui n’avait rien d’engageant. Elle était belle, sans doute. Lui un peu moins surement. Ils écoutaient des morceaux pâteux, presque gluant sur les doigts. C’était l’effet qu’avait l’alcool sur eux, leur ressenti, toutes ces choses. Il était souvent l’heure, souvent tard, souvent le moment donné. Et sur leurs murs on pouvait voir les stigmates de ces vies concises, gâchées, mâchées. Arrière plan glauque, cette image était à jeter, ils l'avaient toujours su, presque instinctivement.
Elle aimait les chansons à texte, lui les chanteuses à voix. Peut-être se complétaient-ils, il y avait surement autre chose. Tant pis pour la musique, tant pis pour leurs goûts. On n’en a rien à foutre de toute façon qu’il répétait les nuits d’ivresse. Non rien.
Ils attendaient le lundi soir impatiemment, parce que c’était l’instant d’armistice. Et c’est con, de fixer ça un lundi soir, parce que c’est peut-être le moment le plus bête d’une semaine. Tant pis. Ils avaient même fait des études complexes, des statistiques, des probabilités pour décréter que, définitivement, c’était le seul jour où il y avait vraiment aucune raison qu’il y ait quelque chose à faire ce soir là. Ils s’étaient appuyés en grande partie sur les programmes télévisés des 10 dernières années – fait marquant, le lundi 14 mars 2005, France 2 avait passé Apocalypse Now en version redux : hasard du calendrier, ou volonté profondément maline émanant d’une instance supérieure (après tout les voies du seigneur sont impénétrables) toujours est-il que cette découverte a provoqué un vif débat (un de plus), mais le lundi est resté le soir de l’armistice. Le lundi soir est définitivement le moment le plus con de la semaine.
C'était un lundi soir, et il ne fallait pas boire ce soir là. Alors tremblant, ils croyaient s'aimer, et c'était grotesque. Une pâle sotterie, un comble de cynisme dans lequel ils se complaisaient. Ils avaient fait cette photo un lundi soir je crois. Peut-être s'aimait-il, je ne crois pas, je n'ai jamais rien vu de tel chez eux, jamais rien vu de la lueur qui berce le fond du regard. Que des vitres au lieu des mirettes : fenêtre de l'âme - foutez-vous de moi. Les fonds de verres pouvant se conjuguer à tous les temps, toutes les modes, c'était beuverie sans arrêt. Lui avait une bonne situation, elle... Qu'est ce que c'est une bonne situation ? Le droit d'être présomptueux ? Ils ne fumaient pas, ils critiquaient ces gens qui avaient des cancers des poumons que c'était bien fait pour leur poire. Ils auraient pu mourir de cirrhose, mais eux, ce n'était pas pareil. Dommage.
Les lundi soir, ils regardaient ému cette image, comme si quelque chose était encore à déceler. Comme si quelque chose allait sortir de là. Rien ne venait, il était temps de se coucher, et demain de boire. Toujours la même histoire.
Moi j'ai vécu ça comme on regarde un film. Avec le retrait de l'incompréhension. Plus tard j'ai regardé A bout de souffle. Plus tard, j'ai écouté de la musique. Mais, les premières années, il fallait composer avec les cris entrecoupés de silences, rasades après rasades. Chin-chin. Dans les yeux, sinon ça porte malheur.
J'aurais aimé l'appeler Germaine, mais il ne s'appelait pas Michel. Ils étaient juste des gens, bonne situation, ne vivant que le lundi soir. Et ce soir là, s'ennuyant joyeusement. En croyant qu'ils vivaient.
Ce soir là, c'était un lundi. Et ce n'était pas l'armistice. C'était le soir de trop, celui de la trahison. Il était déjà torché avant d'arriver à la maison, et elle en prévision s'était descendue sa bouteille de vodka hebdomadaire. Il l'avait frappé, la tête avait percuté l'angle du meuble. C'est malheureux. Lui, il s'était juste taillé les veines. Et dans son hallucination alcoolique, il s'est sans doute dit qu'il désoûlé comme ça.
Je prends ça avec ironie. Je me dis qu'on ne choisit pas ses parents. Je pleure maintenant, je m'étais promis que je le ferais pas, pas pour ces salauds. Tant pis.

Butterfly's strokes

11/03/2010 (22:02)

Le globe se recroqueville, ce serait bien si l'heure tournée un peu plus vite. Pour le moment les minutes se tordent, tendre. Il ferait bon de se sentir libre, de se sentir loin. Il est l'heure de dormir. On fond du lit, à écouter Bat For Lashes,avoir beaucoup trop chaud sous cette couverture et cette couette. Mais quand même, se sentir bien dans un cocon quasi maternel. Le coeur bat dans une douce mélodie. Il est temps du rêve, l'exact rêve. Le temps de l'instant.
Il y a ces rêves qui murmurent des histoires qui sont un peu comme le vent qui refroidie les oreilles. Ces étendues de mer lorsque l'on colle le coquillage contre l'oreille — écoute, maman, écoute, il y a la mer à l'intérieur. Un bout de mer, un bras de mer. L'étendue céleste, c'est le globe terrestre : on y saute ? A pieds joints les mains liées l'envie, oui, fraîche l'eau. 

Oui, les minutes, sur la pendule, se tordent.

Il y a ces lèvres qui murmurent des histoires qui sont un peu comme le vent. un saut, un autre, c'est une harmonie. Sans majuscule, avec le sourire doux. Il y a cette lèvre. Cette jolie blonde qui ne se trouve pas jolie. Hors saison. Hors débat. La lumière tamisée, s'imaginant regarder l'immense langue de la Tamise. Après tout, après la Seine, ce serait une nouvelle histoire. Une autre pièce, pleine d'autre part dans une maison qui serait un peu l'univers juste dans un oeil ou deux. une galaxie dans le souffle. Et puis des histoires et des poches immenses pour les retenir. 
Cette jolie blonde qui ne se trouve pas jolie. En fin de compte, on veut toujours accélérer le temps, puis le retenir une fois qu'on trouve quelqu'un à regarder, à ressentir. Calé au fond du lit, à écouter n'importe quelle musique, pour ce que ça importe tant qu'on entend la voix, le rire — oui, de cette jolie blonde qui ne se trouve pas jolie.
Il faut dire que l'on en a fait du chemin, immobile. Les heures se tordent, mais je me colle à toi. Je me sens bien, juste, là.


Post-it

5/03/2010 (22:39)






Tes murs aveugles qui, dans la nuit, forment une Cordière sans Andes. Se rattacher quelque part, nulle part. Se rattacher. Les idées quelles idées folles ! C'était juste un verre, après tout.
Maintenant j'écris entre deux piles de copies, une corrigée une abandonnée. "Argumentation trop brouillonne pour un devoir au propre". Un humour grinçant, je n'en sais rien. Au plafond tu as accroché des pliages, des avions en papiers et des bateaux sans destinations. Tu dors, doucement, et moi je file. Ce n'est pas vraiment une lettre, hein.
C'est juste un à demain à glisser dans la poche. Je t'embrasse. Je t'. Enfin, soyons réalistes. En grand, en immense. Réalistes.
A demain.

Emma

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