Emma,
J'ai laissé mon trousseau de clefs, comme tu peux le voir. Et mes affaires ne sont plus dans l'armoire, non, plus dans aucune armoire. J'ai laissé deux trois bouquins, parce que je sais que tu veux les lire, et puis, je m'en fiche : je ne t'en veux pas, il n'y a aucune raison de te faire la gueule, te refuser des choses qu'hier encore je t'accordais.
Il est tard, tu es partie te coucher, et moi je ne dors pas ; encore habillé, tu vois, avec mes chaussures. J'ai toujours aimé trainer habillé chez moi, ma mère ça l'a faisait rire quand à minuit passé j'avais encore mes chaussures : "tu pars ? — ouais, je vais brûler des voitures, j'attends que vous soyez couchés".
Dans ma tête, il y a cet air de musique que j'ai trouvé tout à l'heure, et que t'as dit : "ça le fait".
Tu sais très bien que ce matin, il n'y aura qu'une lettre à ma place. Cela se sent dans ton regard quand tu vas te coucher, et que tu me dis bonne nuit et que je ne réponds rien. Il est 4 heures du matin.
J'ai beaucoup trop fumé, les volutes ont emprisonnées mes pensées. J'aimerais te dire, je ne dis rien. Je veux rayer mon nom, ici, là, ne plus exister pour toi. Je sais que je ne peux pas, que cela ne se fait pas. Mais je te l'avais dit que je ne sais pas me figer, qu'un jour je m'envole : c'est comme ça. Ce n'est pas ta faute. J'ai rarement aimé comme ça, comme toi. Je veux que tu saches, que tout était sincère.
Je sais que là, tu as les yeux ouverts alors que j'écris, que tu guettes sans bouger dans le lit, sur le côté. Tu retiens ton souffle, et les larmes coulent sans qu'on puisse y faire grand chose. Tu étais douce.
"Si tu lis cette lettre c'est que je suis pas loin de la prochaine. Elle aura son charme, mais, ça ne vaudra pas tes fossettes."
J'aimerais trouver autre chose à dire, mais je crois que ma gorge aussi, ce soir se noue. Nous.
for — ever.
M.
Mais c'est toujours aussi doux aussi stupéfiant par ici, toujours aussi beau.
(merci du passage :))